beandeau>

Le Colloque > Résumés > Thouroude Vanessa

Le robot revient au galop : inquiétudes d'appelants sur un chat de prévention du suicide
Gudrun Ledegen  1@  , Vanessa Thouroude  2@  
1 : Université de Rennes 2  (UR2)
Laboratoire PREFICS
Place du recteur Henri Le Moal - CS 24307 - 35043 Rennes cedex -  France
2 : Université de Rennes 2
Laboratoire PREFICS

L'analyse d'un corpus de 11 ans de chat de prévention du suicide (2005-2015), depuis son premier lancement jusqu'à son déploiement ample sur tout le territoire français, révèle régulièrement, et de façon amplifiée dans le temps – la présence de l'IA augmentant dans la société –, l'inquiétude des appelants d'avoir à faire non pas à un interlocuteur humain mais à un robot :

Ecoutant : cet espace vous est ouvert

Appelant : Ce sont des messages automatiques ou il y a un " vrai humain " qui écrit ?

Ecoutant : à votre avis ?

Appelant : : )

Ecoutant : ce qui signifie ?

Appelant : que je n'ai pas affaire à un robot : )

Ecoutant : tout à fait ... . .

Il est intéressant d'analyser les caractéristiques des énoncés – répétitifs, figés ou très formels (Ledegen 2019, Ledegen & Wagener 2020, Ledegen 2022) – qui déclenchent une telle inquiétude : bonsoir, je suis là pour vous écouter, cet espace vous est ouvert, Sur ce site , je vous écoute en toute confidentialité, ... ; par ailleurs, l'examen des réponses apportées par les écoutants, ou encore les argumentaires et contre-argumentaires déployés par les deux interlocuteurs, l'un pour démontrer le caractère robotique d'un comportement, l'autre pour prouver son aspect humain, révèle les différents points de bascule entre le naturel et l'artificiel pour ces différents interlocuteurs, en particulier en ce qui concerne les mentions de leur "monde intérieur et cognitif", de leur créativité (Poibeau, 2023), dans ce contexte d'interaction très sensible (Garric, Ledegen & Pugnière-Saavedra, 2019) : je ne sais pas si les robots peuvent faire preuve d' empathie ... ; Je ne suis pas un robot et suis d'accord avec vs quant à la qualité relationnelle perdue à cause de toutes ces machines électronique et ces relations virtuelles qui font qu'on ne sait QUI est QUI !?

Ainsi, si la majorité des appelants se suffisent d'une réponse rassurante unique indiquant que leur interlocuteur est bel et bien humain, certaines conversations peuvent se développer en discussions enflammées autour de ce point sensible, les critères de distinction variant fortement et évoluant rapidement (Casal & Kessler 2023).

Bibliographie

Casal, J. E., & Kessler, M. (2023). Can linguists distinguish between ChatGPT/AI and human writing ? A study of research ethics and academic publishing. Research Methods in Applied Linguistics, 2(3), 100068.

Garric, N., Ledegen G, & Pugnière-Saavedra F., 2019, La vulnérabilité dans le dire : de la mise en mots du stigmate à sa construction sociale, Revue Signe, discours, société, ‘Dynamiques discursives de la vulnérabilité', disponible à : http://revue-signes.gsu.edu.tr/article/-Lr3qSFRlbvBFQfdexKr

Ledegen, G. & Wagener, A., 2020, « Nous ne doutons pas de votre souffrance » : analyse pragmatique et sociolinguistique du nous de distanciation dans un chat de prévention du suicide, Corpus, 21, Garric, N., Ledegen, G. et Pugnière-Saavedra, F. (Dirs), ‘Dispositifs numériques et dévoilement de soi', https://journals.openedition.org/corpus/4977.

Ledegen, G., 2019, 'Bonsoir. Je vais mal'. La difficile expression du dévoilement de soi et de l'empathie dans un chat de prévention du suicide, in Abécassis, M., Block, M., Ledegen, G., Peñalver Vicea, M., Le grain de la voix dans le monde anglophone et francophone, Oxford, Peter Lang, 193-214.

Ledegen, G., 26/01/2022, Suicide, mal-être : plongée au cœur d'un chat de prévention, The Conversation, https://theconversation.com/suicide-mal-etre-plongee-au-coeur-dun-chat-de-prevention-175165.

Poibeau, T. (2023). La créativité peut-elle être artificielle ? Le journal CNRS.


Chargement... Chargement...