La linguistique appliquée est une méta-discipline (Miras et alii, 2018) dont la constitution et le développement est le fruit d'un paradoxe. Sous un angle politique, l'essor de la linguistique appliquée correspond à la convergence entre des enjeux de diffusion du français et une forme d'opportunisme académique pour une partie des linguistes dans les années 1960 (Chevalier & Encrevé, 2006 ; Coste, 1987). Au demeurant, sous un angle académique, l'essor de la linguistique appliquée correspond à la mise en place de réseaux de recherches sur des questions émergeantes qui deviendront des thématiques centrales pour la vie de la septième section.
A ce titre, les rencontres organisées par Guy Capelle au Centre International d'Etudes Pédagogiques en 1961, puis en 1962 et 1963 précèdent la création d'un réseau de recherche officialisé lors de la création de l'Association Française de Linguistique Appliquée (AFLA) et l'Association Internationale de Linguistique Appliquée (AILA), à Nancy en 1964. Les traces laissées par ces conférences, compte-rendu de discussions et courriers, contenues dans les archives du BELC, permettent de comprendre le lien entre les domaines disciplinaires et les enjeux politiques de diffusion du français à l'étranger. En effet, dès 1961, il s'agit d'appliquer les recherches en linguistique (notamment en lexicographie et en traduction mécanique des langues) à l'enseignement-apprentissage du français, en particulier dans les pays nouvellement indépendant.
En parallèle, au Conseil de l'Europe, le Conseil de Coopération Culturelle, créé en 1962 contribue à faire de l'enseignement des langues une thématique centrale et supranationale en Europe. C'est dans cette optique que le Conseil de l'Europe soutient la création de l'AILA, tout en convoquant une partie des chercheurs en linguistique appliquée à la réflexion sur l'enseignement des langues sur le continent (Sokolovska, 2016). Les années 1960-1970 annoncent donc une période d'ouverture de travaux au sein desquels les domaines d'études en linguistique, par le truchement de l'applicationnisme semblent entrer en communication. Ainsi, le parallèle suggéré dès la conférence de 1961, entre les possibilités offertes par la traduction mécanique et l'enseignement-apprentissage des langues s'incarne dans des projets encouragés par le Conseil de l'Europe.
Cette communication a pour objectif de comprendre la dynamique entre enseignement du français langue étrangère, travaux du Conseil de l'Europe, et mise en place de réseaux en linguistique appliquée. Elle s'attachera en particulier à montrer les liens entre développement des travaux en traduction mécanique des langues et enseignement-apprentissage. Cette communication visera donc à aborder la problématique naturel-artificiel posée par le colloque sous un angle historique. Pour ce faire, les résultats de recherche s'appuieront sur les fonds d'archives associatifs des archives nationales (AFLA et AILA), mais également sur le fond Imbs à Nancy (plus particulièrement ces liens avec le Conseil de l'Europe) et les fonds du Bureau d'Etude pour les Langues et les Cultures appartenant à France Education International.
Références bibliographiques :
Chevalier, J.-C. & Encrevé, P. (2006). Combats pour la linguistique, de Martinet à Kristeva. ENS Editions : Paris
Coste, D. (1987). Institution du français langue étrangère et implications de la linguistique appliquée. Contribution à l'étude des relations entre linguistique et didactique des langues de 1945 à 1975. Thèse d'Etat, Université Paris VIII, Vincennes.
Miras, G., Boulton, A., Kübler, N. and Narcy-Combes, J.-P. (2018). "Association Française de Linguistique Appliquée (AFLA)" European Journal of Applied Linguistics, vol. 6, no. 2, pp. 315-326
Sokolovska, Z. (2016). Les débats sur les langues dans une Europe en projet : généalogie discursive, idéologies langagières et constructions (post)nationales au Conseil de l'Europe. Université de Strasbourg; Université de Fribourg.